École latine de Birzeit
Ce que nous avons vu, ce que nous avons entendu
Depuis une dizaine d’années, Danielle et moi sommes membres de l’association « Une Fleur pour la Palestine ». Cette association a pour objet de recueillir des fonds afin d’aider les familles palestiniennes qui sont dans le besoin et qui scolarisent un (ou plusieurs) de leur(s) enfant(s) dans une des douze écoles catholiques implantées en Cisjordanie occupée et à Gaza. Une bourse de 300 € est allouée à l’école pour couvrir une partie des frais de scolarité de l’enfant.
La particularité de cette association « Une Fleur pour la Palestine » est d’être composée exclusivement de bénévoles et d’envoyer directement sur le compte bancaire de chaque école 100% des dons reçus par chèque ou virement avec indication des coordonnées du donateur. Les frais de fonctionnement de l’association (photocopies, poste, et frais de virements bancaires internationaux hors UE) sont couverts par les cotisations des membres ou par des quêtes.
Depuis plus de 20 ans, l’équivalent de près de 140 bourses est envoyé chaque année à 9 écoles du Patriarcat Latin de Jérusalem, à 2 écoles du Patriarcat Melkite (grec-catholique), et à 1 école de la Custodie Franciscaine tenue par les sœurs de St-Joseph de l’Apparition. Le choix des élèves « parrainés » est fait par les directions de chaque école. Chaque donateur reçoit l’information du nom de l’élève bénéficiaire de la bourse, de sa date de naissance, sa classe, son école, et quelques renseignements sur sa famille. Danielle et moi « parrainons » 3 enfants : Ayla, 5 ans, et Ward, 10 ans. Tous deux sont scolarisés dans l’école melkite (grecque-catholique) de Beit Sahour. Ayla est en grande section de maternelle, Ward en CM1. Quant à Basel, 8 ans, il est scolarisé dans l’école catholique latine de Bir Zeit. Il est en CE2.
Après l’abominable attaque du Hamas, le 7 octobre, et l’extrême violence de la riposte israélienne, la presse se fait, chaque jour, largement l’écho des dramatiques conditions de vie qu’endurent les gazaouis. Dans l’enclave, la famine s’ajoute désormais à la destruction massive des immeubles d’habitation, écoles et hôpitaux, routes et ponts, infrastructures d’alimentation et d’assainissement de l’eau, mosquées et cimetières.
L’impact de cette guerre pour les habitants de la Cisjordanie fait moins la « Une » de la presse. Pourtant, il est considérable. Déjà critiques avant le 7 octobre, leurs conditions de vie sont devenues, depuis, extrêmement difficiles. Cette brutale dégradation de la situation nous a poussés, Danielle et moi, à vouloir aller manifester « physiquement » notre solidarité aux familles de nos trois « filleuls » et, à travers elles, à l’ensemble du peuple palestinien.
Nous sommes arrivés à Jérusalem le samedi 13 avril, la veille de l’attaque iranienne sur Israël.
Ce sont les sœurs franciscaines missionnaires de Marie qui nous ont très gentiment accueillis. Dès l’après-midi, nous sommes allés rendre visite au Frère Laurent, membre de la communauté des Missionnaires d’Afrique (ex-Pères Blancs), ancien curé de notre paroisse saint Paul des amidonniers, à Toulouse. Aujourd’hui, Laurent, termine sa thèse de Doctorat en théologie à la célèbre École Biblique de Jérusalem.
Pour rejoindre le lieu où il réside – dans les bâtiments annexes de la magnifique et très ancienne basilique sainte Anne – nous avons dû traverser les ruelles de la Vieille Ville, considérée depuis toujours comme le cœur de Jérusalem. Quelle ne fut pas notre surprise ! Pratiquement personne ! Voir la Via Dolorosa quasiment vide nous a profondément attristé. Pas un seul passant, aucun touriste, toutes les boutiques fermées. Là, où il y a 12 ans, il nous fallait jouer des coudes pour nous frayer un chemin, cette absence d’activité humaine avait quelque chose de désolant.
Peu de temps après, ce même sentiment d’affliction nous a envahis à l’intérieur de la basilique du Saint Sépulcre. Devant le tombeau du Christ, nous étions seuls ! Alors qu’il fallait, à l’époque, attendre plus d’une heure pour pouvoir se recueillir pendant une petite minute dans ce lieu sacré, épicentre de la foi chrétienne, nous étions cette fois-ci seuls, absolument seuls.
L’explication de cette situation ne résidait pas, bien évidemment, dans le fait qu’en ce samedi après-midi le shabbat n’était pas encore terminé. La raison est beaucoup plus simple : il n’y a plus aucun pèlerin en Terre Sainte depuis le 7 octobre. Tous les pèlerinages prévus ont été annulés du jour au lendemain et plus aucun n’est programmé, au moins jusqu’à la fin de l’année.
Frère Laurent avait déjà souligné ce sentiment de « manque », « d‘absence » de « vide ». Là, où dans un temps pas si éloigné, la fréquentation du site de la basilique sainte Anne pouvait atteindre jusqu’à 3 000 personnes par jour, plus une seule n’en franchit aujourd’hui la porte.
Telle fut notre première impression lors de notre arrivée à Jérusalem. Une impression d’une ville vidée d’une grande partie de ses habitants, source d’un sentiment de désolation, de tristesse, de profond désarroi. Puis, au cœur de la nuit, à 1h27 très exactement, les sirènes firent entendre pendant plusieurs minutes leurs lugubres alarmes…
Le lendemain matin, à 7 heures, les rues de Jérusalem étaient apparemment calmes.
Point de traces au sol des missiles iraniens abattus en plein vol. Sur le visage des passants, point d’anxiété notable. Une tension était, cependant, palpable. Les soldats israéliens, postés devant la porte de Damas, à l’entrée de la Vieille Ville, semblaient plus nerveux. Dans le minibus qui relie Jérusalem et Bethléem, nous étions les seuls voyageurs. Alors que moins de 10 km séparent les deux villes, le chauffeur, arabe israélien, a préféré en parcourir plus du double pour éviter le checkpoint qui filtrait ce jour-là, avec une acuité accrue, les mouvements entre les deux villes. Il nous a déposé à l‘entrée de Bethléem afin que, dans le cadre d’un accord apparemment plus ou moins tacite, ce soit un taxi palestinien qui puisse terminer le voyage et percevoir un maigre revenu.
L’hôtesse d’accueil du magnifique et très confortable hôtel Casa Nova – propriété des Franciscains – nous a gratifié à notre arrivée d’un grand sourire et d’un bruyant « Bienvenue !». Nous étions les premiers clients depuis le 7 octobre… La Basilique de la Nativité étant contigüe de l’hôtel, nous avons participé à la messe dominicale dite en arabe. Malgré la barrière linguistique, on a pu constater, à nouveau, la grande ferveur des palestiniens chrétiens. Leur foi est pure, vive, émouvante. Manifestement, elle leur est d’un grand secours pour affronter les nombreuses difficultés auxquelles ils doivent faire face au quotidien.
Pleinement palestiniens, pleinement chrétiens, ils ne constituent désormais qu’une toute petite minorité : 1,2% de la population… et leur nombre ne cesse de diminuer. Ils étaient un peu plus de
200.000 au milieu des années 1980, 72.000 à la fin de la 2e Intifada (2004), 48.000 aujourd’hui (2).
Rien ne semble arrêter cette hémorragie. L’hypothèse, qu’à une échéance rapprochée, il n’y ait plus aucun chrétien dans cette terre qui a été le berceau du christianisme, religion deux fois millénaire, ne peut être exclue. Pourtant, malgré leur faiblesse numérique, les chrétiens en Palestine jouent un rôle social important. Notamment, dans le domaine de l‘éducation. C’est ce que nous confirme Suhail Daibes. Parfaitement francophone, Suhail dirige depuis une vingtaine d’années l’école catholique de Beit Jala, village qui jouxte Bethléem. Comme dans toutes les écoles chrétiennes, la qualité de l’enseignement dispensé dans son établissement est reconnue. Chrétiens et musulmans cherchent à y scolariser leurs enfants.
C’est dans son bureau que nous rencontrons nos filleuls Ayla et Ward ainsi que leurs parents. Sawsan Istephan, la directrice de l’école grecque-catholique de Beit Sahour s’est jointe à nous. C’est dimanche, il est midi, tout le monde est présent. Les enfants sont un peu intimidés par la solennité du moment. Les parents sont heureux de pouvoir mettre un visage sur ces personnes qui habitent loin et accompagnent leurs enfants. Ils tiennent à marquer leur reconnaissance par de doux gestes d’amitié. Très vite, des relations simples, empreintes d’un mutuel esprit de fraternité, s’instaurent. Une joie partagée d’être ensemble est sensible.
Mais, comme dans un violent contraste par rapport à ce moment de paix et d’harmonie, on peut apercevoir, à travers les vitres du bureau de Suhail, la colonie Har Homa. Sorte de forteresse de pierres blanches, posée au sommet d’une colline pierreuse, elle abrite aujourd’hui près de 30.000 habitants. Construite dans les années 1990, pendant le premier mandat de Benyamin Netanyahu, de façon tout à fait illégale, elle a été conçue, dès le départ, comme un jalon dans un vaste projet de chapelet de colonies visant, d’une part, à encercler Jérusalem-Est pour couper ce quartier arabe du reste de la Cisjordanie et, d’autre part, à rendre impossible tout éventuel projet ultérieur de division de Jérusalem. De fait, aujourd’hui, Bethléem et Jérusalem, les deux villes les plus saintes de la chrétienté, distantes de moins de 10 km, sont coupées l’une de l’autre.
Pour poursuivre la discussion, Suhail nous invite, Danielle et moi, dans un restaurant de Beit Jala. Nouvel exemple des conséquences en Cisjordanie de la guerre à Gaza, le restaurant est vide. Très réputé, attirant d’habitude une clientèle venant de loin, Suhail nous indique qu’avant le 7 octobre, il fallait réserver une table plusieurs semaines à l’avance pour avoir une chance d’y déjeuner. Aujourd’hui, dimanche, nous sommes les trois seuls clients.
Tout en dégustant de succulentes spécialités palestiniennes, Suhail nous fait part de ce que pense une grande majorité de palestiniens de Cisjordanie de l’attaque du 7 octobre. Ils comprennent les raisons qui ont poussé le Hamas à cet acte d’une violence inouïe. En dehors de motifs purement idéologiques, trop d’oppression, d’enfermement, d’injustice, de frustrations, d’humiliation, d’atteinte à la dignité humaine, ne pouvait provoquer qu’une réaction d’une telle intensité. Avoir fait de cette enclave un ghetto, une prison à ciel ouvert, allait inévitablement générer, tôt ou tard, beaucoup de violence. À leurs yeux, le seul mérite de cette attaque est d’avoir remis la question palestinienne en haut de la pile de l’agenda international.
Beaucoup, cependant, s’interrogent sur la pertinence de cet acte de « résistance ». Les conséquences sur la population gazaouie sont trop importantes. Le prix à payer est trop élevé. Pour les Palestiniens de Cisjordanie, les conséquences humaines, économiques et sociales sont aussi très lourdes. Près de 200 palestiniens ont été tués ces derniers mois par les militaires israéliens ou dans le cadre d’expéditions punitives menées par des colons fanatisés. Au plan économique, sur les 90 000 Palestiniens qui, jusqu’au 7 octobre, se rendaient chaque jour en Israël pour travailler principalement dans les domaines de la construction et de l’agriculture, seuls 8.000 sont de nouveau autorisés à franchir la frontière. Pour les autres, c’est le chômage non indemnisé. Cette perte de revenus pour ces familles est dramatique car, souvent, seul le père avait un emploi.
En outre, dès le 8 octobre, les autorités israéliennes ont imposé de nouvelles restrictions dans les déplacements. Nouveaux checkpoints, harcèlement croissant des militaires, tranchées, barrières, routes d’accès à certaines communautés palestiniennes coupées par les colons, obligent les riverains à faire de longs détours. Nous avons pu nous-mêmes expérimenter les difficultés pour aller d’un village à l’autre, y compris dans les zones censées être sous le contrôle de l’Autorité palestinienne. Omar, notre chauffeur de taxi palestinien, nous dit : « Quand vous partez le matin, vous ne savez pas quand – et même si – vous pourrez rentrer chez vous le soir ». Cette phrase, nous l’avons entendue plusieurs fois dans la bouche de nos interlocuteurs.
Suhail pointe en plus l’accélération de la colonisation depuis le 7 octobre. Pour se venger des pertes civiles israéliennes et des prises d’otages, les colons, animés par l’idéologie nationaliste du « Grand Israël », membres pour la plupart de l’organisation suprémaciste « Jeunes des collines », encouragés par les décisions des ministres d’extrême-droite autorisant l’annexion supplémentaire de 800 hectares en Judée-Samarie (nom donné par Israël à la Cisjordanie occupée), ont créé ces derniers mois, en toute impunité, plus de 140 nouveaux « avant-postes », prémices de futures nouvelles colonies. Nous en avons vu une, de nos propres yeux, en cours d’implantation. Désormais, dans les seules colonies reconnues par Israël, vivent 478.000 personnes. Il y en avait 280.000 en 2008 et 135.000 en 1995. Malgré les multiples résolutions des organisations internationales, le gouvernement israélien continue d’encourager la colonisation. 10.000 nouveaux colons s’installent en moyenne chaque année en Cisjordanie depuis 2007 (1).
Depuis le 7 octobre, l’agressivité des colons n’a fait que s’accroître. Lors du dîner que nous avons partagé avec les Sœurs de la Congrégation de la Sainte Croix de Jérusalem, installées depuis 40 ans dans le village de Taybeh, les religieuses n’ont pas caché leur vive inquiétude.
Dans ce village de 1300 âmes, dont la principale particularité est d’être constitué à 100% de chrétiens, des colons, peu de temps avant notre venue, ont caillassé des maisons, crevé les pneus de plusieurs voitures, peint sur les murs des tags hostiles aux chrétiens.
Pour les chrétiens, en plus des souffrances qu’endurent l’ensemble des palestiniens, le contrecoup économique du 7 octobre est terrible. Tout « l’écosystème » lié aux pèlerinages – qui commençait à peine à se rétablir après les très dures deux années de pandémie – s’est brutalement effondré. Les conséquences économiques et sociales sont énormes : hôtels inoccupés, magasins fermés, restaurants vides, guides touristiques au chômage, taxis et bus à l’arrêt, offrandes dans les églises réduites à néant, c’est toute une économie qui est détruite. Le désarroi est total.
Face à l’absence de réelles perspectives, de nombreux chrétiens pensent à partir. À Ramallah, Yacoub Rafidi, Directeur général des écoles du Patriarcat latin en Palestine, et secrétaire de l’organisation regroupant les 70 écoles chrétiennes de Palestine, attire notre attention sur la diminution très importante d’élèves chrétiens. Du fait de la baisse continue du nombre de familles chrétiennes en Palestine, la proportion relative d’enfants chrétiens et musulmans est passée en quelques années de trois-quarts/un quart, à deux-tiers/un tiers ; elle est aujourd’hui moitié/moitié. Mais Yacoub souligne : « Quelle que soit leur confession, toutes les familles se sont beaucoup appauvries et ont du mal à payer les frais de scolarité, même si ceux-ci sont calculés au plus juste ».
Face à cette baisse de revenus, et à une augmentation sensible de leurs charges de fonctionnement, notamment d’énergie, les écoles chrétiennes ont de plus en plus de mal à boucler leur budget. C’est pourquoi, elles appellent les donateurs à accroître leurs efforts afin qu’elles puissent continuer à assurer leur formidable mission éducative.
À Birzeit, nous avons pu remarquer la qualité du travail pédagogique effectué dans cette école. Son offre éducative est d’une grande pertinence. La cohérence des enseignements dispensés, la pédagogie mise en œuvre, la solidarité de l’équipe éducative, la forte volonté d’apprendre aux enfants les règles du vivre ensemble, en commençant par le respect attentif des croyances de chacun. Nous avons ainsi pu voir une maîtresse voilée enseignant le Coran aux enfants musulmans pendant que dans la classe, juste à côté, sa collègue étudiait la Bible avec ses élèves chrétiens. Tout ceci est convaincant et fait plaisir à voir.
Nous avons été également très heureux d’écouter les élèves chanter en chœur des comptines en français ou décliner fièrement leur identité dans la langue de Molière.
Preuve que le français continue à être considéré, en Palestine, comme une langue que l’on doit maîtriser au même titre que l’anglais. Savoir que Basel, notre troisième « filleul » est scolarisé dans cette école et peut bénéficier de ce bon encadrement pédagogique, est réconfortant. La rencontre avec sa maman fut, par contre, beaucoup plus triste. Âgée de 42 ans, mère de 6 enfants, elle souffre d’un cancer du foie. Malheureusement, la famille n’a plus les moyens de payer les soins dont elle a absolument besoin. Son époux, chauffeur de taxi n’a plus de travail depuis que l’université de Birzeit, creuset des élites politiques palestiniennes, a été contrainte de fermer ses portes. Objet de deux raids de l’armée israélienne en trois mois, cible répétée des colons, et devant la difficulté accrue pour les étudiants d’accéder à l’université du fait de la multiplication des checkpoints, l’université a fait le choix de dispenser tous les cours en distanciel. Or, c’était grâce aux besoins de déplacement des étudiants que le mari tirait principalement ses revenus. Devant la situation financière dramatique de cette famille, la direction de l’école, malgré l’amputation que cela implique pour ses ressources, a décidé d’accorder la gratuité totale pour les 3 enfants qui y sont scolarisés.
Pour conclure, nous revenons de Cisjordanie profondément attristés. De tout ce que nous avons vu et entendu durant notre bref séjour en Cisjordanie, deux éléments nous affligent particulièrement :
- Après le 7 octobre, l’hypothèse que les 2 peuples puissent, un jour, vivre côte à côte, à égalité de droits, en toute sécurité, dans deux états souverains, aux frontières internationalement reconnues et garanties, est aujourd’hui quasiment révolue. Trop de haine, de ressentiment, de fanatisme se sont accumulés de part et d’autre. Israël, touché dans sa chair et son orgueil, animé d’un esprit quasi bestial de vengeance, a manifestement décidé d’accélérer la mise en œuvre de son projet du « Grand Israël ». Désormais, l’objectif est clairement de faire partir les palestiniens, les obliger à quitter la Cisjordanie, à l’image de ce qu’ils s’emploient à faire actuellement à Gaza. Dans cette perspective, la colonisation est encouragée pour rendre définitivement caduque la possibilité de la création d’un état palestinien. Le renforcement de l’oppression, l’augmentation quotidienne des brimades, vexations, discriminations, harcèlements, violations manifestes des droits humains, tout cela a pour but de démoraliser la population et la pousser à partir. Et même si Benyamin Netanyahou est contesté par certaines franges de la population israélienne, le profond mouvement de droitisation, voire d’extrême-droitisation, de la société à l‘œuvre depuis de nombreuses années, fait que la société israélienne, dans sa grande majorité, est hostile à l’idée d’une cohabitation avec les palestiniens. Bernard Thibaud dirige depuis de nombreuses années la Maison d’Abraham, véritable havre de paix créé il y a plus de 60 ans par le Secours catholique. Située en face de la Vieille Ville de Jérusalem, la Maison Abraham est un lieu où, il y a peu encore, juifs, chrétiens et musulmans pouvaient se rencontrer, dialoguer, apprendre à se connaître. Bernard Thibaud se désole aujourd’hui que « le mur de haine qui divise désormais israéliens et palestiniens soit plus haut que le mur physique qui sépare les deux communautés ». La dissémination dans la société israélienne de l’idéologie nationaliste du « Grand Israël » est devenue un obstacle majeur au rapprochement des deux peuples. On peut même penser que l’hypothèse d’un changement de gouvernement israélien ne changera pas fondamentalement la donne. Après la déflagration du 7 octobre, la conviction d’une impossible cohabitation avec les palestiniens est désormais trop profondément ancrée dans la société israélienne. L’aspiration légitime du peuple palestinien à un état souverain est tout simplement niée.
- La situation des chrétiens palestiniens est dramatique. Plus encore que celle de l’ensemble des palestiniens. Très peu nombreux, menacés de disparition, confrontés à une situation économique catastrophique, menacés par une montée de l’islamisme radical dans la société palestinienne, sans réelle perspective d’avenir, leur désarroi est profond. Leur foi lumineuse reste leur seul atout. Mais suffira-t-elle ?
Il faut aider les chrétiens palestiniens.
Leur montrer concrètement qu’ils ne sont pas seuls, que le monde ne les abandonne pas. La Palestine sans les chrétiens perdrait beaucoup de sa fécondité. C’est le message que Monseigneur William Shomali, évêque auxiliaire du Patriarcat Latin de Jérusalem, nous a demandé de porter auprès de tous nos amis, croyants ou pas. Cet appel résonne comme un cri ; il faut l’entendre !
Danielle et Bernard BUREL
(1) Source : Journal La Croix
(2) Source : « Peace Now », ONG israélienne.